Traduction en Français par A. Filhol;
The Engiish original is here.

Chers collègues, chers amis, chère famille de Björn,

La mort soudaine et inattendue de Björn a laissé beaucoup d’entre nous dans un état de choc. Cette cérémonie est une partie importante du processus de deuil pour ceux qu’il laisse derrière lui – un événement qui lui est dédié, au cours duquel nous pouvons nous réunir pour partager des pensées et des sentiments, exprimés ou non-dits, à propos de notre cher ami et collègue. C'est aussi l'occasion pour nous de célébrer sa vie, sa carrière, ses réalisations et l'impact qu'il a eu sur nous.

Björn a étudié au KTH de Stockholm et à l'Université technique de Linköping en Suède. Il s'est intéressé très tôt à la diffusion des neutrons, en travaillant avec Kurt Sköld à l'Université d'Uppsala et au réacteur de recherche de Studsvik où il a reconstruit un spectromètre TOF alors qu'il était étudiant. L'essentiel de ses travaux de thèse ont été centrés sur la mesure des excitations dans ³He liquide et des mélanges ³He/⁴He. Ceux d’entre nous qui travaillent avec les neutrons savent que ³He est ce truc qu'on utilise pour absorber les neutrons et que, en conséquence, il s’agit là de l’une des mesures les plus difficiles que l’on puisse faire avec des neutrons. A l'ILL, nous venions de construire IN6, un nouvel instrument spécialement conçu pour mesurer des systèmes difficiles. Björn a alors travaillé en étroite collaboration avec Reinhard Scherm qui avait conçu ce spectromètre, ainsi qu'avec ses collègues du PTB à Braunschweig. Cela a permis une expérience emblématique, la première mesure des excitations élémentaires dans ce type de liquide quantique modèle.

J'ai rejoint l'ILL en tant que doctorant peu après que Björn ait terminé ses mesures, mais alors qu'il travaillait encore à sa propre thèse. J'étudiais un système beaucoup plus simple : l' ⁴He liquide – la variété non absorbante de l'hélium – et c'était du gâteau en comparaison. Björn a accepté d'être mon superviseur local et a fait un travail fantastique. C'est à lui que je me suis adressé pour m'aider à comprendre les bases. Qu’est-ce qu’un facteur Debye-Waller ? Qu'est-ce qu'un jacobien ? Comment fonctionne le temps de vol ? Il a été chaque fois patient et pédagogue.

Il m’a dit qu’il n'était pas particulièrement bon à l’école et cela m'a vraiment surpris. Je pensais que quelqu'un d'aussi doué que lui aurait été apprécié et encouragé par ses professeurs mais tout le monde n’a pas la chance que moi j'ai eue d’avoir de bons mentors.

Quand je travaillais à terminer ma thèse, il en a lu d'innombrables versions préliminaires, donnant patiemment des conseils et suggérant des améliorations : cette partie nécessiterait plus de travail ; cette affirmation doit être étayée par des preuves ; mais aussi : tu es bien doué pour ceci mais guère doué pour cela. Il était honnête mais il était également gentil et constructif dans ses critiques.

C'est durant cette période qu'il a obtenu un contrat ILL de 5 ans, et a travaillé d'abord sur IN8, puis sur IN12, ainsi que sur des projets instrumentaux comme la mise en service des neutrons polarisés sur IN14 et la conception et construction de l'option écho de spin TASSE sur IN20. Björn était un scientifique de terrain et il considérait le développement d’instruments comme partie intégrante du travail d’un scientifique.

Lors de l'arrêt de l'ILL pour le remplacement de la cuve de son réacteur en 1991, Björn a rejoint le CEA Grenoble et travaillé dans le groupe de Jacques Flouquet où il restera plus de 20 ans. Il y a fait beaucoup de choses différentes, notamment en tant que responsable du CRG IN12 pendant 5 ans et a passé 3 ans à ISIS sur les instruments PRISMA et MARI.

Il revient à l'ILL en 2014 pour travailler sur IN4C avec Stéphane Rols et Olivier Meulien puis, avec Giuliana Manzin, il dirige le projet PANTHER de mise à niveau d'IN4C jusqu'à son achèvement en 2022.

Le travail de Björn était une grande partie de sa vie et de sa personnalité.

Il était passionné par son travail et, plus largement, je suppose, par l’activité scientifique en général : on fait cela parce que c’est la bonne chose à faire; on a l’impératif moral de progresser dans la compréhension et de défendre nos droits à découvrir et dire la vérité. Il n'avait aucune patience envers les incompétents ou le travail bâclé. Il recherchait l'excellence et poussait ses collègues et lui-même vers des standards toujours plus élevés. Il le faisait parce que c’était la bonne chose à faire, mais il le faisait avec un sourire et une lueur dans les yeux car, si vous vous mettiez au travail, alors il savait que vous étiez de son côté !

Björn aura été un brillant mentor pour une longue série d’étudiants et d’autres scientifiques en début de carrière, et j'aime à penser que cette série a commencé avec moi. C'était un grand expérimentateur, il était également un formidable contact local, veillant à ce que rien ne soit laissé au hasard pour faire de chaque expérience un succès. Les scientifiques avec qui j'ai parlé et qui l'avaient eu comme contact local étaient unanimes dans leurs éloges : il faisait ce qu'il faut, il était de votre côté, il faisait les bons choix.

Björn, tu nous laisses un grand vide, tu vas beaucoup nous manquer !

Ken Andersen, Grenoble, 19/8/2024