Bref rappel
Bref rappel sur la détection des neutrons lents
De nombreux articles ou pages web traitent ce sujet en détail mais signalons ici que deux scientifiques de l'ILL ont rédigé en 2006 un article dans les International Tables [1], un document de référence.
La détection directe des neutrons lents est impossible car il sont dépourvus de charge et leur énergie cinétique est trop faible pour être détectée lors de collisions avec les atomes. On les détecte donc par leurs effets en fin de trajectoire, c'est-à-dire par les particules chargées qu'ils émettent lors de leur désintégration spontanée, ou lors de leur capture par le noyau d’un des atomes du matériau qu'ils traversent. Dans ce dernier cas, selon le contexte expérimental, on utilise des détecteurs fonctionnant en mode "comptage" ou en mode "intégration" mais l'on passe toujours par cette étape de conversion.
Le signal de chaque neutron est mesuré individuellement dans le premier cas, alors que c’est la résultante d’un grand nombre d’interactions de neutrons qui est mesurée dans le second cas.
Certains détecteurs peuvent fonctionner suivant les deux modes : c’est le cas des chambres à fission avec lesquelles on mesure des impulsions de courant individuelles ou bien un courant électrique continu lorsque le flux de neutrons est très intense.
Dans tous les cas, le signal mesuré est toujours un signal de courant électrique généré par des charges électriques en mouvement. Ces charges électriques peuvent être dues aux particules chargées produites directement lors de la capture d’un neutron, ou bien ces particules chargées vont générer des photons qui seront convertis en électrons par un détecteur de lumière, par exemple un photomultiplicateur.
La conversion des neutrons
Le convertisseur est un matériau qui démasque le neutron en le transformant, par réaction nucléaire, en quelque chose d'autre (photons, particules chargées) que l'on sait aisément et efficacement détecter. On va donc compter ces événements, soit un par un au fur et à mesure qu'ils se produisent (compteurs), soit en les accumulant durant un certain temps (détecteurs intégrateurs). L'efficacité de la conversion est généralement d'autant meilleure que les neutrons sont plus lents et que la quantité de convertisseur est plus importante.
Capture avec émission de photons gamma
Lorsqu'un noyau atomique capture un neutron, il se retrouve avec un excès d'énergie et il s'en débarrasse le plus souvent en émettant un ou plusieurs photons gamma. L'ensemble de ce processus est appelé capture n,gamma. Ces photons gammas ne sont pas utilisés pour la détection car trop difficile à arrêter, de plus le signal serait noyé dans le bruit des gammas ambiants. En pratique, on va chercher à rendre le détecteur le moins sensible possible aux gammas et la détection des neutrons repose uniquement sur la détection des particules chargées.
Notons ici que lorsque le Gd est utilisé comme convertisseur (par ex. pour de l'imagerie neutronique) c'est l’électron de conversion que l'on mesure, pas les gammas, mais la signature des évènements neutron ressemble alors à celle des évènements gamma ce qui rend difficile la séparation entre les 2 types de particules. Bien que le Gd soit le convertisseur le plus efficace, il est rarement utilisé dans les détecteurs fonctionnant en mode comptage à cause de cette limitatio.
Capture avec fission
Après avoir absorbé un neutron, certains noyaux lourds comme l'uranium-235 fissionnent; ceci est également vrai pour quelques isotopes légers comme l'hélium-3, le lithium-6 ou le bore-10. Le résultat de cette fission est l'éjection de particules de charge positive avec une certaine énergie cinétique, particules qui vont ioniser le milieu environnant le long de leur trajectoire.
Des électrons et des ions sont produits le long de la trace d’ionisation. Si l’ionisation a lieu dans un gaz, une différence de potentiel est appliquée entre 2 électrodes, l’anode et la cathode, pour créer un champ électrique et ainsi collecter les charges. C’est ce qui se passe dans une chambre à fission à Uranium.
Dans un compteur à Helium-3, l’énergie libérée lors de la capture d’un neutron n’est pas suffisante pour mesurer une impulsion individuelle, on va donc utiliser une électrode portée à un potentiel élevé permettant la multiplication des électrons. Ce peut être un fil très fin, une plaque de type MSGC (Micro Strip Gas Counter) ou bien un GEM (Gas Electron Multiplier). L'accélération des électrons dans le champ électrique intense au voisinage de l’électrode entraîne l'ionisation du milieu et produit une avalanche d'électrons secondaires, un signal électrique facilement détectable.
Pour les neutrons lents, la capture avec fission est largement utilisée car elle offre le double avantage d'une excellente efficacité et la possibilité de discriminer le bruit de fond provenant des gammas.
Un cas typique est celui de l'hélium-3 (3He). Après capture d'un neutron, son noyau fissionne en éjectant deux particules chargées :
3He + n --> 3H+ + 1H+ + 765 keV
Le triton (3H+) et le proton (1H+ ou p) sont dotés d'une charge et d'une énergie (vitesse) qui leur donne la capacité d'ioniser les atomes qu'ils frôlent et de produire ainsi des électrons, dits primaires, qui sont à l'origine d'avalanches d'électrons secondaires que l'on peut plus facilement détecter.
Détecteurs à façon
La majorité des détecteurs de l’ILL est constituée d’enceintes étanches comprenant un grand nombre d’électrodes sensibles permettant la localisation des neutrons. Une grande partie du savoir faire du concepteur de détecteurs de neutrons consiste à optimiser la disposition de ces électrodes à l’intérieur de l’enceinte, de même que le mélange gazeux, pour avoir la résolution spatiale et l’efficacité souhaités.
En préambule à tout projet de développement le concepteur et l’utilisateur doivent définir ensemble le meilleur compromis possible entre les différents paramètres de détection pour répondre au besoin de l’instrument, tout en tenant compte du risque technologique et les besoins en ressources.
Référence
[1] P. Convert and P. Chieux (2006) International Tables for Crystallography, Vol. C, Chapter 7.3, 644–652. (ISBN 1-4020-1900-9) <online PDF>
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